Capsules juridiques

Le droit des plantes : fiction juridique ou futur de l'écologie ?

Dans notre système juridique, une distinction fondamentale structure l'ensemble des règles : celle entre les personnes, sujets de droits, et les choses, objets de droits. Si les animaux ont récemment acquis un statut intermédiaire, les plantes, elles, restent cantonnées à la catégorie des choses. Elles sont une ressource, une propriété, un décor. Mais cette vision est-elle immuable ? La question, qui pouvait sembler absurde il y a quelques décennies, gagne aujourd'hui en pertinence : faut-il accorder des droits aux plantes ?Cette réflexion, loin d'être anecdotique, est au cœur d'un débat juridique émergent, comme l'illustre le cours « Y a-t-il un droit des plantes ? » du Professeur Philippe Ducor à l'Université de Genève.

Le Droit au service de l'Homme : une perspective anthropocentrique

Le droit positif actuel appréhende les plantes quasi exclusivement à travers le prisme des activités humaines. Qu'il s'agisse du droit de l'environnement, du droit agricole ou des règles de voisinage, l'accent est mis sur les besoins de l'Homme. Comme le souligne le Prof. Ducor, notre système est profondément anthropocentrique. La forêt est protégée pour sa fonction sociale et économique, les espèces pour la biodiversité utile à l'humanité, mais rarement pour leur valeur intrinsèque.Cette approche considère la nature comme un objet d'appropriation, une ressource à gérer. Les plantes n'ont pas de voix au chapitre, elles sont une composante du patrimoine de leur propriétaire.

Et si les arbres pouvaient plaider ? L'idée qui bouscule l'ordre établi

En 1972, le professeur de droit américain Christopher Stone publiait un article au titre provocateur : « Should Trees Have Standing? » (« Les arbres devraient-ils avoir le droit d'ester en justice ? »). Son argumentation, reprise dans le cours de l'Université de Genève, est historique et puissante.Stone rappelle que de nombreuses entités, aujourd'hui sujets de droits, étaient autrefois considérées comme des choses ou des êtres inférieurs : les femmes, les enfants, les esclaves, et même les sociétés commerciales (personnes morales). À chaque époque, l'idée d'élargir le cercle des titulaires de droits a pu paraître « impensable ».Pourquoi, dès lors, ne pas envisager cette évolution pour les éléments de la nature ? Stone propose de leur conférer une personnalité juridique, non pas pour leur donner le droit de vote, mais des droits adaptés à leur existence : le droit à ne pas être pollué, le droit à l'intégrité de leur écosystème. Pour les faire valoir, un système de « tutelle » (guardianship) permettrait à des représentants légaux d'agir en leur nom devant les tribunaux.

Des idées aux lois : quand la nature entre au prétoire

Ce qui relevait de la théorie a commencé à se concrétiser. Plusieurs pays ont franchi le pas, reconnaissant des droits intrinsèques à la nature :
  • L'Équateur a inscrit dès 2008 dans sa Constitution les droits de la Nature, ou Pacha Mama, à « ce que l’on respecte intégralement son existence et le maintien et la régénération de ses cycles vitaux ».
  • La Nouvelle-Zélande a accordé la personnalité juridique au parc national Te Urewera (considéré comme une entité vivante) et à des rivières, fruit d'accords avec les communautés maories qui reconnaissent l'unité entre l'homme et la nature.
  • En Suisse même, une initiative parlementaire a été déposée en 2021 visant à ce que « la nature doit bénéficier, du moins en partie, du statut de sujet de droit ».
Ces exemples montrent que le débat n'est plus purement académique. Il s'ancre dans des réalités juridiques et sociales concrètes.

Débat ouvert : quelle place pour les plantes dans notre futur juridique ?

La question fondamentale qui se pose à nous est celle de la finalité du droit. Doit-il rester un outil au service exclusif de l'humanité ou doit-il évoluer pour protéger le vivant dans son ensemble, en reconnaissant sa valeur intrinsèque ?Accorder des droits aux plantes est-il une étape nécessaire face à l'urgence écologique, une manière de rééquilibrer notre rapport au monde ? Ou s'agit-il d'une fiction juridique complexe et impraticable, qui risque de paralyser l'activité humaine ? Le débat est lancé, et il nous oblige à repenser les fondements mêmes de notre ordre juridique.
Source : Cet article s'appuie sur les concepts et exemples présentés dans le cours « Y a-t-il un droit des plantes ? » du Prof. Philippe Ducor, Faculté de droit de l'Université de Genève.

Le Cas Juridique de la Namibie à la Cour Internationale de Justice

Contexte Juridique

À la fin des années 1960, la Namibie (alors appelée Sud-Ouest africain) était sous le contrôle administratif de l'Afrique du Sud depuis le début du XXe siècle. Malgré une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies en 1966 déclarant illégale la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie, ce pays refusait de se retirer du territoire.Le 28 août 1970, la Cour internationale de Justice (CIJ) rendait un ordre dans une affaire portant sur les conséquences juridiques de cette présence continue. Cette procédure concernait une demande d'avis consultatif sur la légalité du maintien de l'Afrique du Sud en Namibie malgré la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité.

Enjeux du Cas

L'enjeu principal était de déterminer les obligations juridiques des États membres des Nations Unies face à une situation de non-respect manifeste des résolutions du Conseil de sécurité. La question soulevait également le principe de souveraineté territoriale et le droit à l'autodétermination des peuples.Pour la CIJ, il s'agissait de clarifier les conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie, et de déterminer si cette situation violait effectivement le droit international.

Dénouement

Suite à une demande de report de la date limite de soumission des exposés écrits par le ministre des Affaires étrangères sud-africain le 19 août 1970, le président de la Cour décida de reporter cette date limite du 23 septembre 1970 au 19 novembre 1970.Bien que cet ordre de procédure ne constituait pas une décision finale sur le fond, il marquait une étape importante dans l'examen par la CIJ de la légalité de la présence sud-africaine en Namibie. Cette affaire a contribué à renforcer le principe selon lequel les résolutions du Conseil de sécurité lient tous les États membres, et a précipité le processus menant à l'indépendance de la Namibie en 1990.Impact historique :Cette procédure a joué un rôle crucial dans la reconnaissance internationale du droit du peuple namibien à l'autodétermination, aboutissant à l'indépendance du pays en 1990 après un long processus de décolonisation supervisé par les Nations Unies.
Recherche